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La Voie romaine Le Mans-Rennes
Cette voie reliant le Bassin parisien au massif armoricain passe au nord de Parné et traverse la Mayenne près des thermes romains d’Entrammes. Un itinéraire tracé plus au nord, par Laval, l’a progressivement supplanté au Moyen Âge. Elle a conservé longtemps le nom de chemin rennais et permet encore de randonner entre Parné et Entrammes.
LES VOIES ROMAINES EN MAYENNE
Le chemin partant des lotissements nord de Parné-sur-Roc et menant au bourg d’Entrammes est le descendant d’une voie antique importante. Déjà présente au 1er siècle avant J.-C., elle reliait, à l’époque romaine, deux capitales de cités, Le Mans et Rennes. Elle traversait la Mayenne à Entrammes, approximativement à l’emplacement du pont de la route Entrammes-L’Huisserie, près de l’abbaye du Port du Salut. Il y a un siècle encore, sous le nom de chemin rennais, elle était conservée sur l’essentiel de son tracé entre Saulges et Entrammes. Aujourd’hui, la principale section subsistante est celle de Parné.
Ce n’est pas un cas unique. Si l’on descend du plateau de Jublains en longeant le théâtre par la droite, on arrive dans un chemin creux qui s’éloigne en droite ligne à travers le bassin d’Évron. Ce sentier, qui ne mène nulle part aujourd’hui, est le descendant de la voie romaine reliant Jublains à Angers, chef-lieu de la cité des Andécaves. Le chemin s’interrompt au bout de 500 mètres. Cependant, après avoir traversé la route moderne d’Évron, on retrouve le tracé antique sous la forme, cette fois, d’un chemin vicinal goudronné, que l’on peut parcourir en voiture sur une longueur de 2 200 mètres, jusqu’aux abords du bois d’Hermet.
Les exemples de ce genre ne sont pas rares en Mayenne. Lorsque l’on étudie les cartes, on trouve assez facilement des segments de routes et de chemins qui s’alignent pour dessiner, en pointillés, de long itinéraires traversant toute une partie du département. Souvent, ces itinéraires ignorent les bourgs et passent à l’écart : c’est le signe que ces bourgs n’existaient pas encore lorsque la route a été créée. Or, la plupart des villages ont une origine se situant entre le 7e et le 11e siècle. Ces longs tracés, dont il subsiste des éléments dans la voirie actuelle, sont donc antérieurs au Moyen Âge et remontent au moins à l’Antiquité.
Ce qui subsiste, ce ne sont pas les chaussées romaines dans l’aspect qu’elles avaient autrefois, mais seulement leur tracé général, matérialisé par des voies modernes dont les caractères sont bien différents. Les automobilistes qui roulent de Montsûrs à Laval, par la route départementale 9 dite du Haut-Bois, parcourent pendant 9 kilomètres l’une des voies romaines reliant Le Mans à Corseul, près de Dinan. Bien sûr, la route goudronnée ne ressemble plus à la voie empierrée que connaissaient les Romains et le tracé lui-même, moins rectiligne qu’à l’origine, a subi de multiples modifications dans le détail en 2 000 ans. Pourtant, certains indices font apparaître que la route départementale est l’héritière directe de la voie antique.
On constate, par exemple, qu’elle sert d’appui à des limites de communes. Cela s’explique par le fait que, lors de la constitution des paroisses, entre le 7e et le 13e siècle pour la plupart, on a cherché des éléments marquants du paysage pour en définir les contours et, lorsqu’il n’y avait pas de cours d’eau ou d’accident notable du relief, on a choisi volontiers les routes. Les paroisses de l’Ancien Régime se retrouvent dans les communes créées à la Révolution, et c’est ainsi qu’une route moderne, héritière d’une voie antique, peut servir de limite entre deux communes.
La route de Montsûrs à Laval présente d’autres indices remarquables. Elle est bordée par un grand nombre de taillis étroits, tantôt à droite, tantôt à gauche, dont l’origine serait bien mystérieuse si l’on ne comprenait qu’il s’agit des traces d’anciens emplacements de la chaussée. À la fin de l’Antiquité, les voies romaines étaient mal entretenues et certains passages devenaient si difficiles que l’on a pris l’habitude de les contourner en empiétant sur les accotements. Ainsi, siècle après siècle, le tracé de la voie s’est mis à onduler, jusqu’à son état actuel. Les mauvais passages, abandonnés pour la circulation, sont devenus des lambeaux de landes et de taillis. Ils sont aujourd’hui les témoins, inscrits dans le paysage, de toute une évolution, montrant qu’une route n’est pas une chose figée, mais qu’elle vit au rythme de ses utilisateurs.
Enfin, en roulant le long de cette route, on observera que l’horizon est très souvent lointain et que l’on suit une crête. C’est un caractère habituel des voies romaines, qui évitent les bas-fonds humides et qui suivent, quand c’est possible, les lignes de hauteurs. Un coup d’œil sur la carte géologique montre d’ailleurs le lien qui rattache, avec une précision étonnante, la voirie au sous-sol : la route suit très exactement un affleurement étroit de grès armoricain, roche exceptionnellement dure qui a résisté mieux que ses voisines à l’érosion et qui a déterminé cette crête.
À certains moments, toutefois, il fallait descendre dans les vallées pour traverser les rivières. Le franchissement de la Mayenne était un réel problème, car son cours était rapide avant qu’elle ne soit équipée de barrages au 16e, puis au 19e siècle. Les sites où la rivière était à la fois assez étroite et peu profonde étaient rares et voyaient converger les voies de communication. L’un d’eux, situé au nord de Mayenne, était emprunté par la voie de Jublains à Avranches. Il tient son nom, Saint-Léonard, d’une petite chapelle qui y fut édifiée au Moyen Âge, mais le lieu est également appelé Brives, vieux mot gaulois qui signifie « le pont ». On y a effectivement découvert, au 19e siècle, les vestiges d’un pont en bois. Les voyageurs avaient coutume de jeter une monnaie en traversant, pour s’attirer la protection de la divinité de la rivière, si bien que les archéologues ont recueilli plus de 27 000 pièces romaines au fond du lit (certaines sont exposées au musée du Château de Mayenne). On a également retrouvé à proximité l’une des bornes milliaires qui jalonnaient la voie d’Avranches. Cette pierre, datée du 3e siècle par une inscription, porte la distance de Jublains, 4 lieues, soit environ 9 km. Elle est présentée dans le musée de Jublains.
Les bornes routières conservées ne sont pas nombreuses. Cependant, on en connaît trois autres sur l’itinéraire qui, venant d’Avranches, menait au Mans par le gué de Saint-Léonard et Jublains. L’une a été trouvée en 1996 à Heussé, dans la Manche, tout près de l’endroit où la voie pénètre en Mayenne, une autre sur la commune de Jublains, à une lieue en direction du Mans. La troisième est aujourd’hui dans l’église de Châtillon-sur-Colmont. L’histoire de cette pierre n’est pas banale. Depuis des temps immémoriaux, connue dans le pays sous le nom de Pierre Saint-Guillaume, elle était couchée au pied d’un calvaire, sur le bord de la route menant de Châtillon à Gorron, et servait de limite aux processions des Rogations. Le hasard d’un soleil rasant a permis d’y découvrir une inscription très effacée, mais bien complète. Il s’agit d’un texte de dix lignes en l’honneur de l’empereur Aurélien (270-275 après J.-C.), gravé dans les deux dernières années de son règne et suivi de la distance de Jublains, 9 lieues (environ 20 km).
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